LABAN Maurice

De Encyclopédie : Brigades Internationales,volontaires français et immigrés en Espagne (1936-1939)
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Maurice Laban est le 30 octobre 1914 à Sidi Akba par Biskra (Algérie).

Ses parents, Etienne Laban et Jeanne Bruel, issus de familles paysannes pauvres, étaient instituteurs dans l'oasis de Saada (commune mixte de Biskra). En 1939, ils vivaient de leurs retraites et dirigeaient une plantation de palmiers dattiers non encore en production et un élevage de moutons, bénéficiaire ou déficitaire selon les années. Le père, socialisant depuis l'âge de quinze ans avait été franc-maçon vers 1930 et pacifiste à la veille de la guerre alors que la mère, plutôt sympathisante communiste, était antifasciste (en mars 1939, le mot "pacifiste" signifie souvent "munichois"). « Ils avaient parfois des tendances colonialistes ».

Élève à l'école primaire de Biskra jusqu'à l'âge de douze ans, Maurice poursuit ensuite ses études au lycée de Constantine. Il s'arabise très jeune et parle couramment l'arabe puis l'espagnol. Après quatre mois à l'école d'ingénieurs de Marseille (qu'il juge « peu sérieuse »), il revient huit mois dans la propriété de ses parents qu'il dirige puis reprend des études de chimie à la faculté d'Alger.

En 1936, il est Paris où il adhère au PCF en août. En octobre, il intègre la faculté des sciences mais, le 5 novembre, il arrête ses études pour partir en Espagne comme volontaire dans les Brigades internationales.

Lettre à ses parents : "Ne croyez pas non plus que j'abandonne mes études. Je viens de m'immatriculer à la faculté des sciences et je compte passer en juin mes examens de chimie générale et de math géné. J'estime en effet que d'ici deux mois la guerre sera finie."

Il adhère à l'AUS, aux Jeunes Antifascistes et à l'UFE. Il s'inscrit au Parti communiste algérien PCA lors de sa formation en septembre 1936. Il sera délégué par les communistes de Biskra au congrès constitutif d'Alger en octobre. Dans son autobiographie du 22 mars 1939, il a exposé ses raisons d'adhérer : « garder l'esprit de classe de mes parents, surtout de ma mère, et surtout, étant plus en contact avec les indigènes des campagnes qu'avec les Européens, j'étais un anticolonialiste acharné et pro arabe et parce que je sentais la nécessité de la formation d'une nation algérienne. » Il milita peu à Biskra, n'y venant qu'aux vacances.

Avant son départ, il écrit une lettre à ses parents :

« Laissez-moi d’abord vous dire que, comme vous le pensez, je dois être un peu détraqué au point de vue cérébral. Aussi ne vous étonnez pas de la décision que j’ai prise, et que je vais mettre en exécution. J’espère qu’après cela je serai guéri, moralement. Voilà : je pars en Espagne ce soir. Mais rassurez-vous, soyez tranquilles ! Il est très probable que je ne combattrai pas, car je n’ai pas fait mon service ni de préparation militaire. (Lettre à ses parents du 4 décembre 1936)

Il était célibataire.

L'Espagne

Son départ a lieu début décembre 1936. Dès le 6, il est affecté à la 14e BI 12e Bataillon Bataillon Ralph Fox 2e Compagnie dont il prendra le commandement par la suite. Grande activité politique, responsable du PC dans sa compagnie où il crée une cellule.

Avec sa brigade, il participe aux combats de Lopera, Las Rosas, Cuesta de la Reina (voir Cuesta de la Reina).

Blessé deux fois au combat, la première (jambe fracturée qui a dû être raccourcie), sans doute pendant les combats de las Rozas. Il est hospitalisé du 19 janvier au 19 juillet 1937. Il refuse son rapatriement en France ainsi que sa réforme.

En mai 1937, il est envoyé au centre de convalescence de Benicasim, à la villa Rosa Luxembourg. Dans une note, datée du 26 juillet, le Commissaire politique de Benicasim écrit :

« Pendant son séjour à Benicasim, a été responsable d’une villa, il a toujours sérieusement accompli sa tâche et nous a facilité notre travail. C’est un camarade sérieux. »

Dans la deuxième quinzaine de juillet 1937, il rejoint Albacete où il va suivre les cours de l’école militaire (lettre du 4 août), devient instructeur auprès des jeunes recrues espagnoles et suit les cours de l’école antigas (1er mars 1938).

De retour au front, il est promu adjudant puis sous-lieutenant (OJ du 21 novembre 1937). Nommé délégué à la conférence du parti de la 14e BI à l'Escorial en janvier 1938 puis lieutenant en février à la 4e Compagnie du 4e Bataillon.

A.M. fait le 8 décembre 1937 un rapport très élogieux :

"Camarade très sérieux, digne de toute confiance. Accomplit toujours ses tâches à la perfection et on ne lui connait aucun vice, il ne fume même pas.

Merveilleux sang-froid et douceur dans ses relations avec les hommes et aux moments difficiles ce qui ne l’empêche pas de savoir appliquer une gifle le moment venu et de prendre des décisions rapides. Sait très bien se retenir lui-même et connaît son métier. Aurait été ancien élève de Pozo Rubio spécialisé surtout aux armes automatiques mais sachant conduire la voltige. A besoin encore de pratique au feu et de perfectionner et ordonner ses connaissances théoriques. Pourrait devenir même un bon capitaine dans un bref délai. Ancien étudiant ingénieur chimiste ; profite de chaque moment pour consulter les livres et peut arriver a beaucoup dans les sens organisation et science militaire. Manque d’ambition. Très modeste. Méthodique et ponctuel. A encore un manque de fermeté à l’annonciation des ordres mais arrive très bien à se faire comprendre des hommes. La voltige lui plait mais il faudrait l’examiner comme mitrailleur.

Pas trop militaire encore mais capable de le devenir. Manque d’autorité. »

Il est blessé (fracture de la mâchoire) lors de la seconde bataille de Teruel. On a cru que cette blessure était mortelle à tel point qu'un officier républicain Républicain voulut l'achever pour abréger ses souffrances. Georges Raffini Georges Raffini (voir la biographie de ce brigadiste), autre brigadiste provenant également d'Algérie, l'en empêcha, l'emporta sur ses épaules et ainsi lui sauva la vie. La bouche cousue et la tête bandée, Maurice Laban est rapatrié le 1er août 1938. Une note du centre de regroupement de S'Agaro, informant de son rapatriement indique :

    «Alférez, membre du PCF. Au début peu d'activité mais à la suite a participé au travail. D'un caractère d'abord très réservé, a manifesté quelque impatience du fait que son 
    départ a été retardé en raison de son état de santé qui nécessitait des soins urgents que l'on ne pouvait donner en Espagne. Camarade à suivre et à guider qui peut faire du 
    bon travail. Bonne éducation politique. Service militaire à faire depuis octobre 1937.»
Il  a été nommé à l’O.J. n° 237

L'essentiel de sa formation politique, écrivait-il, résulte de ces vingt mois « tirée de l'action et de la lutte dans des formes diverses et souvent aiguës ». Son nom figure sur l'inventaire général de la cartothèque du 16 mai 1938, sous le n° 147, avec les mentions «24 ans, lieutenant, capacité politique BAO (voir BAO

Le retour

De retour [en Algérie], Maurice Laban est arrêté pour insoumission et passe en Conseil de guerre, le 25 octobre 1938, à Constantine où il est acquitté. Membre de la cellule Vaillant-Couturier à Biskra, il s'efforce de remonter la section moribonde et participe au mouvement syndical pour faire respecter les lois sociales non appliquées en Algérie. Puis il repart pour Paris en novembre afin de reprendre ses études de chimie. Il ne renouvelle pas sa carte du Parti en 1939 n'ayant pas suffisamment de temps pour militer à cause du retard pris dans ses études. Il est cependant élu au bureau national des étudiants communistes en avril 1939 et secrétaire pour la région parisienne. Il participe à diverses manifestations antifascistes au quartier Latin et lors du suicide de Roger Salengro.

La Résistance

En septembre 1939, le PCF est interdit ; Maurice Laban poursuit une activité militante clandestine. Il part pour Lille où il s'inscrit à la faculté des Sciences. En mai 1940, devant l'offensive allemande, il quitte Lille, rejoint Paris et, en passant par Toulouse et Marseille, il retourne en Algérie. Dès son retour, il est arrêté par le gouvernement de Vichy qui, après l'avoir torturé, l'incarcère à la prison Barberousse (actuellement Serkadji à Alger) d'où il s'évade. Repris, Maurice est condamné à perpétuité et transféré au pénitencier de Lambèse. Il y restera jusqu'au 15 mars 1943, date à laquelle il est libéré, 4 mois après le débarquement allié. Le 21 octobre 1944, il épouse Odette Raymonde Rossignol à Constantine. A cette période, il devient secrétaire du PC pour la région de Biskra (il semble avoir été quelque peu mis à l'écart par la suite). Mais son influence demeure grande dans la région jusqu'à la guerre d'Algérie.

La guerre d'Algérie

Maurice Laban fut très tôt en contact avec les premiers groupes armés dans les Aurès. Lui-même constitua, avec quelques dizaines de communistes, le maquis de l'Ouarsenis que rallia en avril 1956 l'aspirant Henri-François Maillot (1). Localisé par l'armée française, ce groupe de huit maquisards du «maquis rouge» fut liquidé, Laban étant tué au combat le 5 juin 1956 au Djebel Derraga Douar Frachon Grelili. Aujourd'hui, une rue porte son nom non loin du quartier de la gare à Biskra où il est né et a passé une grande partie de sa vie.

(1) Henri Maillot : Né à Alger en 1928, militant du PCA, aspirant au 57e Bataillon de Tirailleurs de Miliana. Il déserte le 4 avril 1956 pour rejoindre un groupe de maquisards communistes. Dans une lettre adressée à la presse, il écrivait : « je ne suis pas musulman mais je suis Algérien d'origine européenne, je considère l'Algérie pour ma patrie. »

Sources

RGASPI (Moscou, F 545, Op 6, D 1252)

AVER (MRN de Champigny sur Marne, carton 28 bis)

Lettres à ses parents et à sa sœur Linette.