Passage clandestin des Pyrénées
Si les premiers volontaires, partis spontanément, sans soutien d’organisations, franchissent les postes frontaliers français sans problème, cela est différent du côté espagnol. Cela dépendra du bon vouloir des miliciens anarchistes qui contrôlent les postes frontières et qui n’hésitent pas à les renvoyer en France.
En octobre 1936, les premiers gros convois de volontaires (voir article Gare d’Austerlitz), organisés et encadrés par le PCF, entreront en Espagne, sans trop de difficultés.
En 1937, le gouvernement français va interdire, par la loi du 21 janvier et le décret d’application du 18 février, « à toute personne de nationalité française ou étrangère, à l’exception des personnes de nationalité espagnole, se trouvant sur le territoire français, de quitter ce territoire à destination de l’Espagne. » Elle risque une peine d’emprisonnement et/ou une amende.
A partir de ce moment, le PCF va créer un véritable réseau clandestin pour permettre l’acheminement des volontaires. Il reste peu de traces de ces filières en France. Nous n’avons trouvé qu’un seul document concernant les petites villes de Céret et d’ Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) où des contrebandiers, à partir de ces deux villes organisaient les passages. Nous pouvons raisonnablement penser qu’il devait y avoir d’autres lieux sur le territoire du département des Pyrénées-Orientales, car proche du lieu de rassemblement des volontaires des Brigades Internationales : Figueras.
Nous avons à partir de mai 1937, dans les archives russes des listes de volontaires et des lieux de regroupement en territoire espagnol. Le long de la chaine des Pyrénées d’est en ouest sont cités, dans ces documents : Puigcerdá, Nuria, Ribes, Setcases, Camprodon, Massanet, Agullana, Cantalops, Espolla, et les ports de Llansa et Rosas. Ils étaient ensuite acheminés sur Figueras.
Les récits de volontaires américains nous montrent les difficultés et les dangers de ces passages :
« Pas de lumière, pas de cigarette, il ne fallait pas attirer l’attention. On commença à grimper sur une montagne. Pour une heure d’ascension, nous nous reposions quelques minutes. La montée était rapide et il fallait aller vite si on voulait passer la frontière avant l’aube. Un retard aurait signifié la défaite et l’arrestation.
[…] Notre guide nous indiqua le sommet le plus élevé et nous dit que cela était notre destination. Il nous expliqua que ce sommet-là était le moins probablement gardé et que les autorités ne croyaient pas qu’un groupe de gens de ville comme nous pouvait être conduit dans un endroit pareil. Mais les autorités ne tenaient pas compte que nous étions des antifascistes décidés et que rien ne pouvait nous arrêter.
Las et sans souffle on poussait en avant. La fatigue fut trop forte pour l’un de nous qui s’affaissa. Quelques-uns des plus forts le portèrent tour à tour sur les sentiers tournants.
Tout en jurant, tombant de temps en temps, meurtris et avec les poids gonflés, on continuait. Nuit de loups. […] C’était plus que de l’énergie qui nous soutenait, c’était la détermination de défendre jusqu’à la fin le Gouvernement Populaire d’Espagne. »
(Récit du volontaire Harrry Stakam, Nos combats contre le fascisme)
Sources
Nos combats contre le fascisme, Brigades Internationales, Madrid, 1937
RGASPI (Moscou, F. 545. Op. 6. D. 35 et D. 36). et (F. 545. Op. 2. D. 39)