SALLE Fernand
Fernand Salle est né le 14 février 1901 à Séderon (Drôme). Son père était gendarme, sympathisant du PCF (il tient à préciser, dans sa biographie, que son père était « complètement d’accord de mon départ pour l’Espagne »).
Il avait obtenu son Certificat d’Etudes et suivra les « cours 1er degré » à l’armée.
En mars 1919, il s’engage pour cinq ans dans l’infanterie coloniale. Il participera aux combats de la guerre du Levant, deviendra adjudant-chef mais sera cassé de son grade pour « travail antimilitariste ». C’est en effet en 1921, pendant ce conflit, influencé « par une campagne de guerre en Syrie », qu’il s’éveille à la vie politique.
A son retour, il s’établit comme cultivateur et sera membre du Syndicat des paysans travailleurs de La Roche-Canillac. Il estime que son salaire moyen était de 750 francs.
Il adhère au PCF en janvier 1928 et participe au congrès national du Parti de 1929 comme délégué pour la région limousine. La même année, il sera délégué au Congrès National des Paysans Travailleurs qui se tient en mars à Montluçon. Il sera secrétaire de cellule et secrétaire de rayon de 1928 à 1936. Il lisait habituellement L’Humanité et Le Travailleur. C’était un lecteur de « tout ce qui intéresse le PC » et cite dans ses lectures des auteurs comme Lénine, Karl Marx, Henri Barbusse. Il mentionne qu’il a écrit des articles dans L’Humanité et Le Travailleur.
Sommaire
L'Espagne
Marié et père de quatre enfants, il part pour l'Espagne, en janvier 1937, par l’intermédiaire du PCF, « pour combattre le fascisme et aider nos frères espagnols ».
Il intègre le 4 janvier la 11e BI, 2e Bataillon et devient chef d’un groupe « franc » (chargé des coups de main, distribution de tracts dans les lignes fascistes, enlèvement de poste ennemi...) au sein du Bataillon « Commune de Paris » (11e BI).
Le 23 février 1937, lors des combats du Jarama, il est blessé au bras et à la jambe par une balle explosive « en allant chercher un camarade espagnol blessé. »
Hospitalisé à Colmenar (Madrid), puis à Murcie, il est déclaré apte au service auxiliaire mais il demande à repartir au front.Pendant son hospitalisation Fernand Salle adhère au SRI (Solidarité) et aux « Amigos de la URSS ».
« Tu me demandes pourquoi je ne suis pas habillé comme les autres : parce que j’ai un grade puisque je commande le groupe franc d’une brigade internationale. Quant à mes blessures, elles ne sont pas mortelles et j’espère en guérir ; mais tu sais, il faut être forte et te montrer digne d’une épouse de révolutionnaire ; quand je serai guéri, ce sera pour remonter et reprendre mon poste de confiance au front, à la tête de mes chers camarades. »
Il retrouve le bataillon « Commune de Paris » qui est maintenant passé à la 14e BI « La Marseillaise ». Il participe aux combats de Santa Maria de la Cabeza et restera sur ce front jusqu’au 25 septembre 1937, date à laquelle la 14e BI est envoyée au repos à l’Escorial.
Il bénéficie alors d’une permission en France (septembre-novembre 1937); il en profite pour créer une cellule du PCF dans sa région.
Fernand Salle retourne en Espagne et est blessé une seconde fois. Il est hospitalisé à Moya (mai 38).
En Espagne, il se lie d'amitié avec Théo Rol:
"J'ai lu le numéro de janvier ou plutôt lu "le carnet de route d'un héros" avec une profonde émotion. "Rol Théo", mon ami, plus qu'un frère! Je n'étais pas sûr et maintenant ... Oui, il est tombé comme il devait tomber. Tu penses, je l'ai connu en février 1937 à l'hôpital, blessé, puis en convalescence où nous trouvions le moyen de travailler dans une fabrique puisqu'on ne voulait pas qu'on remonte; puis au front, dans un front trop tranquille. On partait tout deux seuls en patrouille, le commandant Hubert doit s'en rappeler. Puis notre désertion ensemble; eh oui, déserteurs! Revenant de l'hôpital de Madrid, je le retrouve à Barcelone blessé au bras; il me fit voir sa blessure, tu penses, un rien."Je remonte". "Et moi alors?". Mais rien à faire, à la visite on nous désigne pour un camp à proximité de Barcelone pour instruire les recrues, lui comme lieutenant instructeur à la C.M.(il commandait auparavant la C.M. du 13) puis moi à la compagnie de garde comme politique. Pour moi qui ne passais pas un jour avec mon groupe sans aller ou lancer des prospectus ou des grenades en force.
[....]
"[...] après avoir écrit une lettre d'excuse au camarade commandant, je prenais la route, direction Tortosa où, moitié à pied, moitié en camion, j'arrivais le lendemain vers les 11 heures, pour apprendre que la 14e était relevée... Quelle tuile! Alors, j'ai dit: "je reste avec la brigade espagnole". On a fait des coups de main en traversant l'Ebre sur un radeau improvisé; c'était ma marotte les coups de main. Puis un beau matin un tank a sauté et moi avec. Commotionné! Bon et ... le bouquet, c'était que j'étais bel et bien déserteur. (lettre à Henri Rol-Tanguy)
Un rapport souligne que c’est « un camarade très actif ». Un autre le qualifie de « bon antifasciste, discipliné ». Un autre, en espagnol, le qualifie de « politiquement bon. Bon activiste et organisateur ».
Sur un petit bout de papier déchiré, il écrit :
« Etant le secrétaire, je ne puis dire que comme toujours je ferai tout mon possible autant que ma santé le permettra à servir mon parti comme je n’ai cessé de le faire depuis 1928. »
Le retour
Dans une lettre, datée du 11 décembre 1938 et adressée à Henri Rol-Tanguy, il décrit les difficultés qu'il rencontre à son retour et son attachement à L'Espagne:
"Tu sais que je suis rentré comme inutile total avec un convoi de blessés le 12 septembre 1938. Paris avait donné des ordres au comité d"aide au peuple espagnol pour me verser 18 francs par jour. Or le comité d'ici n'a pas les fonds nécessaires. J'ai une femme et quatre gosses, et bientôt un cinquième. Je n'ai pu trouver du travail correspondant à mes infirmités. Cela veut dire que je n'ai pas essayé de travailler. Si au bout de trois jours de travail trop pénible, une de mes blessures s'est ouverte et alors il a fallu s'arrêter,sinon ...
Tu as du voir sur mes feuilles: balles explosives cuisse gauche, fracture par balle bras gauche, blessure au ventre par balle, commotion à la tête, rhumatismes ; bref je suis servi. Ah! les salauds! mais enfin ils l'ont payé cher et je ne regrette rien.
J'ai le plaisir de collecter des pommes de terre dans notre région qui est essentiellement paysanne, et la satisfaction d'en convoyer un wagon jusqu'en Espagne que j'ai revue avec une émotion que tu peux penser."
La Résistance
Fernand Salle est « arrêté à la suite de la grève contre la relève et de la grande manifestation à Tulle du 28 octobre 1942 à laquelle participent des milliers d’ouvriers de MAT, de l’usine à draps, des accordéons Maugein, des jouets Garnier, de la Marque et de nombreuses usines locales. Fernand est interné au camp de Saint-Paul d’Eyjeaux près de Limoges. Il y séjourne jusqu’au 12 janvier 1943, avec de nombreux anciens des Brigades. »
Une notice individuelle de la direction de la Sûreté Générale du Ministère de l’Intérieur non datée le qualifie d’« ancien militant-chef du parti communiste, ex-chef de cellule et ex-chef de groupe des Brigades internationales pendant la guerre d’Espagne. Individu dangereux pour la sécurité publique. A fait l’objet d’un arrêté d’internement de M. le préfet de la Corrèze en date du 31/10/1942 ».
« Au printemps 1943, une grève est déclenchée à la manufacture d’armes de Tulle, alors sous autorité allemande. Fernand est toujours un militant très actif et il a hissé le drapeau rouge sur la plus haute cheminée de la Manu : le souvenir s'en est transmis par ouï-dire dans le pays. »
« Fernand Salle est assassiné au petit matin du 18 octobre 1943 devant sa maison de Cerice alors qu’il se préparait à partir travailler à la Manu, abattu de plusieurs coups de feu. L’affaire n’a pas encore été élucidée de façon certaine.
Fernand laissait une veuve et six jeunes enfants. Leur père s’était mobilisé avec l’idée de leur faire un monde meilleur, il y a laissé la vie. Grand-mère a été courageuse et la « tribu » a prospéré. »
Sources
RGASPI (Moscou 545.6.455).
RGASPI (BDIC, Mfm 880/32, 545.6.1392) (bio du 24 mai 1938, rapports).
mail de son petit-fils Christian Salle.
Archives personnelles Henri Rol-Tanguy