MONNIER Ludovic
Ludovic Henri Monnier est né à Rennes le 19 décembre 1900 de Ludovic Monnier et de Marie Roche. C’était le second enfant d’une famille bretonne installée à Marseille. Son père était représentant de commerce et suivait les idées du colonel de la Roque.
Après des études secondaires et avoir probablement suivi des cours aux Beaux-Arts de Marseille, il s’installe à Paris et devient artiste peintre.
Selon le témoignage de son fils, Jean Monnier, « A Montparnasse où il loue un petit atelier en rez-de-chaussée dans la cour du 94 rue de l’ouest (aujourd’hui disparu) il fréquente des artistes, survit entre peinture et tâches diverses (illustrations, etc…), est condamné en 1933 pour fraude contre une femme peintre (plagiat ?). Il rencontre ma mère, Jeanne David, provençale exilée dans la capitale, secrétaire, elle-même mêlée au milieu culturel, qu’il épousera en juillet 1935. Toujours communiste militant [il avait adhéré en 1925], secrétaire de cellule et d’un syndicat d’artistes, il a parmi ses amis bon nombre d’antinazis exilés d’Europe centrale, dont certains qu’il retrouvera en Espagne ».
Sommaire
L’Espagne
Ludovic Henri Monnier arrive en Espagne en septembre 1936. Le 20 novembre, il est nommé commissaire politique de compagnie, fonction dont il est relevé le 27 décembre pour « indiscipline ».
Le 4 janvier 1937, il est affecté, comme chauffeur, au Bataillon Six-Février de la 15e BI. Le 18 avril, il est blessé sur Le front du Jarama (voir ci-dessous le récit du commandant Fort qui relate la blessure).
Il passe ensuite au Bataillon Henri Barbusse de la 14e BI. Il écrit un article pour le n° spécial du Bataillon, daté du 1er janvier 1938, où il raconte comment pendant une permission en France, il alla, à la demande des ouvrières, « aux boites métalliques quai Perrache » répondre à leurs questions.
Il écrit un article sur le bombardement de Cambrils qui paraî'Texte en gras't le 30 septembre 1938 dans El voluntario de la Libertad.
Le retour et la Résistance
Voici le témoignage de son fils :
« Rentré en France, il reprendra contact avec ses camarades du PCF en Provence. Interné comme communiste au camp de Chibron, commune de Signes (Var), il est sort libre à la fermeture du camp, et jusqu’à l’occupation de la zone sud par les troupes de l’axe il vit entre Marseille, Avignon et Forcalquier, peignant …et militant dans la Résistance. Il rejoint début 1944 le maquis du Lubéron où il prend part à de nombreuses actions contre l’occupant. C’est là qu’il trouve la mort au cours d’un combat contre les tanks Tigre à la sortie est du village de Coustelet (84) au lieu-dit pont de la Sénancole. Il est inscrit sous le nom d’Henri Combe, son pseudonyme dans la clandestinité, avec huit de ses camarades tombés le même jour, sur la stèle du monument commémoratif, route d’Avignon à Apt. En 1946 le conseil municipal de Marseille a donné son nom au court passage en escaliers qui joint la rue fort Notre-Dame à la place aux huiles, dans le quartier des peintres. Le médaillon de bronze à son effigie, œuvre du sculpteur André Verdilhan, à côté du nom de la voie a disparu dans les années 1980-1990. »
Récit de sa blessure par le commandant Fort
« Le tableau inachevé !
Avoir le goût de la peinture, posséder une âme d’artiste, sentir qu’on peut fixer sur la toile certaines visions fugitives de ce vaste kaléidoscope qu’est l’actuelle guerre d’Espagne, et se heurter à des difficultés matérielles qui vous empêchent de mettre ce projet à exécution, voilà de quoi attrister l’artiste peintre le plus optimiste. C’était le cas de notre camarade MONNIER, chauffeur au bataillon « 6 Février ». Il avait tenté plusieurs fois de se procurer ce qui lui était nécessaire pour satisfaire sa passion. En vain. Aussi errait-il comme une âme en peine.
Un jour, ô bonheur !, un camarade, mis au courant des causes du marasme intérieur de notre ami si morose, lui procura une adresse où il pourrait acheter, disait-il, pinceaux, palettes, couleurs, toiles, châssis, etc. Transporté de joie, il ne pensa plus qu’à une chose, devenir au plus vite, possesseur de ce matériel depuis longtemps convoité.
Il demanda l’autorisation de se rendre à l’adresse indiquée. Accordée. A son retour, nous n’avons nul besoin d’attendre qu’il ait quitté son volant pour connaître le résultat de ses démarches. Sa mine triomphante nous indique assez qu’il a réussi. Il met aussitôt son trésor en lieu sûr.
La première exaltation passée, il savoure en silence le plaisir rare de contempler fréquemment la source de de ses plaisirs futurs.
Les jours passent, nous ne lui voyons manifester aucune hâte à étaler sa peinture. Les toiles sont vierges, les tubes de couleur intacts. Un poète a dit « Tout bonheur que la main n’atteint pas, est un rêve ».
Muni de son attirail, il se met en route dans l’après-midi du 18 avril 1937. Arrivé en premières lignes il choisit un emplacement propice d’où il puisse commodément croquer une scène typique du front, digne de perpétuer un des aspects de cette lutte que nous menons contre le fascisme. Là, dans un renfoncement de la tranchée, est installée une mitrailleuse. La mitrailleuse joue sur notre secteur, un rôle immense. Elle est, pourrait-on dire, la reine des batailles. MONNIER tombe en arrêt devant elle. Vite, il installe son chevalet, la toile fixée sur un châssis, est prête. Le croquis est rapidement tracé.
Pris tout entier par son travail, il n’accorde aucune attention aux détonations produites par les balles explosives qui éclatent au-dessus de la tranchée. La mitrailleuse est repérée par les fascistes. Le tableau avance ; déjà s’ébauche le sujet, quelques camarades l’entourent donnant leurs appréciations au fur et à mesure que s’étalent sur la toile les couleurs aux teintes vives. De temps en temps, il se recule, cligne un œil, juge la perspective, puis d’une touche légère, rectifie ou souligne un détail.
Le crépuscule, imperceptiblement, commence à étendre son voile d’ombre sur la tranchée resplendissante sous les feux du soleil couchant. Plus que quelques retouches définitives et son œuvre sera terminée. Satisfait, il se lève pour juger l’ensemble, l’espace de quelques secondes. Il garde une position méditative. Une balle explosive à cet instant précis ricoche sur la plaque de protection de la mitrailleuse. MONNIER porte les mains à son visage, elles sont pleines de sang. De nombreux éclats ont pénétrés dans la poitrine, les bras, les joues et les yeux. On se précipite pour lui porter secours. Le médecin, mandé en toute hâte, ne peut se prononcer sur la gravité des blessures concernant les yeux. On l’évacue sur le champ. Il réclame avec insistance son tableau, avec les accents d’une mère ayant égaré sa progéniture. Nous nous posons la question, va-t-il perdre la vue ? Cruelle alternative pour un artiste, chez qui la fonction visuelle constitue son unique raison de vivre. Nous ne savons que dire devant tant de malchance.
Heureusement, les docteurs de Madrid ont sauvé la vue à MONNIER.
Il a regagné son poste. Le tableau est resté inachevé. »
Sources
Monnier Jean-Philippe (fils de Ludovic Henri Monnier) témoignage.
RGASPI (Moscou, F. 545 Op.2 D., Op.3 D.423 et Op.6 D.1325).
Le livre de la 15ème Brigade internationale, Nos combats contre le fascisme, Madrid, 1937.