ANKER Franz
Franz Anker est né le 4 décembre 1910 à Schönberg, dans une famille juive, non pratiquante, très aisée. Son père, architecte renommé, construisit de nombreux immeubles à Berlin. Sa mère s’occupait peu de ses enfants.
Comme il était un adolescent rebelle, ses parents l'ont placé dans un internat. Il y a fait la connaissance d’un jeune tuteur, membre du DKP, qui deviendra romancier, essayiste, philosophe et psychologue : Manes Sperber. Celui-ci aura une grande influence sur Franz : il lui a appris les valeurs de justice sociale et de progrès.
Après avoir passé son baccalauréat et, attiré par les études de psychologie, il a intégré la faculté de médecine de Berlin tout en militant au Parti Communiste Allemand. L’université étant interdite aux juifs, il s’enfuit en France.
Il y arrive en 1933 et s’installe à l’Hôtel des Sports, rue du Cardinal Lemoine à Paris (5e). Pour vivre, il donne des leçons d’allemand, s’occupe d’un enfant « arriéré », fonde avec des amis, en 1934, une entreprise de jouets qui fera faillite un peu plus tard.
En 1934, il rencontre à Cassis, une institutrice, Louise Garin, fille d’un maréchal-ferrant, qui doit son ascension à l’école de la République. Bonne élève, elle fut soutenue par un instituteur qui lui fit obtenir une bourse, la poussa à continuer ses études et l’inscrivit à l’Ecole Normale.
Ils se marient le 20 juillet 1935 à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Rhône).
Le couple habite Maisons-Alfort, puis Paris, au 361 de la rue des Pyrénées (20e).
Membres du PCF depuis octobre 1935, ils militent activement pour un monde meilleur. Ils soutiennent les grèves de 1936.
Le 9 octobre 1936, le couple demande à partir ensemble pour l'Espagne. Seule la demande de Franz Anker est acceptée.
L’Espagne
Franz Anker arrive en Espagne début octobre 1936.
Il est affecté à l’état-major de la base d’Albacete.
Un monde nouveau s’ouvre pour lui :
« parce que pour moi non-militaire à 200 % tout était nouveau. »
« Je commence à me débrouiller un peu en espagnol. Quelquefois je parle 4 langues [allemand, anglais, français et espagnol] pendant une journée. Tu te rends compte. Mais après, le soir ma tête sonne. » (Lettre du 24 octobre 1936)
En tant que chef de bureau, il est nommé lieutenant.
Un document intitulé « Instructions pour la réception et l’expédition du courrier » daté du 14 novembre 1936 porte son cachet et sa signature.
Dans ses lettres, il évoque sa mue :
« Tout à coup arraché de la stagnation sociale et parasytaire – comme Luise disait un jour, on devient un autre homme. Ma vie a retrouvé un sens. Je suis utile, cela me rend tellement heureux, et je donne ce que je peux donner. » (Lettre du 20 novembre 1936) « Je m’approprie ici une dureté qui me manquait, un savoir, comment la vie roule, et ce que vaut un homme. Je comprends ces livres russes qui parlent si peu de l’individu et tant de ses fonctions. Il y a des moments dans l’histoire humaine où une fonction est plus importante que son porteur respectif. » (Lettre du 20 novembre 1936)
- ses moments de doute :
« il y a un livre sur la XV° brigade qui vient d’être édité, c’est fameux, tu le verras à PARIS. J’ai vu la-dedans un dessin d’un camarade qui n’a dessiné qu’un olivier défeuilleté par les grenades. Ce dessin est un poème. J’ai du penser à ce copain qui a fait cela. Et voila il a tenu le coup aussi, lui aussi. Pourquoi pas moi. Il n’y a pas un « ne pas pouvoir ». Il n’y a pas. Pour nous, non. Nous sommes l’avant-garde. C’est un avantage. C’est une noblesse qui oblige. On va payer la facture. Et je crois comme j’ai payé la facture pour mes conceptions en venant ici, je payerai aussi les autres factures. […] Je veux au moins appartenir à ceux qui ont fait un effort. A tout prix vivre, -non. Seulement au prix de vivre une vie valable. Une vie qui vaut la peine. (Lettre du 22 juillet 1937)
C’est cette conscience et la confiance en un monde nouveau de bonheur et de progrès qui l’aident à supporter son absence lors de la naissance, le 3 janvier 1937, de sa fille Anna :
« […] j’avais pensé tout le temps, que au moment donné je prendrai un congé de trois jours, pour être là. A ce moment il y avait encore la possibilité de prendre un avion Alicante -Toulouse mais à l’heure actuelle on élevé les prix de ce trajet de 850 francs à 2000. Et c’est trop pour une raison privée. Et venir par le train, impossible cette absence si prolongée. Et en outre je dois donner l’exemple aux autres que la décision de venir ici était réfléchie, avec toutes ses conséquences, douloureuses. Louise, saisissons l’occasion, et soyons tous les deux un peu bolchéviques. Louise, je te jure, je suis tout près de toi, ne l’oublie jamais. »
En août 1937, il bénéficie d’une permission à Barcelone, sa femme va le rejoindre : « Louise, je suis déjà tout à fait remonté dans l’idée de ton arrivée », tout en s’inquiétant pour sa petite fille Anna qu’il ne connaît pas : « je voudrai qu’ANNA soit bien pendant le temps de ton absence. »
En décembre 1937, il entre à l’école des officiers de Pozo Rubio:
« Chacun de nous doit connaître une arme à fond, soit la mitrailleuse soit le fusil. Et chaque officier sortant de l’école doit être un tireur d’élite dans une des deux armes. On m’a mis dans le groupe des fusils. Je suis un des pires tireurs de la section allemand. » (Lettre du 7 décembre 1937)
A sa sortie, il évoque ses difficultés pour s’adapter :
« Je me débats comme officier ; ce n’est pas facile. Tu sais combien peu je suis militaire, et aujourd’hui il faut tant l’être. Le devoir de saluer est commandé. J’évite les rues pour ne pas être obligé de saluer et de saluer. Quand je vois un copain dans la rue, et je veux lui adresser la parole, il me salue militairement et je me souviens que je suis officier. D’autre part c’est nécessaire, je le vois bien, mais enfin, je ne suis vraiment pas un soldat né. » (Lettre du 16 janvier 1938)
Ironiquement, il écrit « Je me demande, Louise, si je peux t’embrasser quand tu viens à Albacete sans tomber sous le coup de la loi. »
Il disparaît lors des combats de l’offensive franquiste d’Aragon (mars-avril 1938).
Sa deuxième fille, Michelle, conçue pendant la permission, naît le 7 juin 1938, deux mois après son décès.
Sources
Lettres à sa femme (Archives familiales, Anna et Michelle Anker).
RGASPI (Moscou, 545.6.367).
Heller, Ernst L., La historia y el servicio postal de las Brigadas Internacionales, Lindler Filatélica Ibérica, Madrid, 2007