Raymont NANCEL-PENARD
Raymond, Charles, Paul Nancel-Penard est né le 1er août 1906 à Boutiers-Saint-Trojan (Charente). Son père, Jean, était propriétaire terrien, membre des Croix de Feu et exerçait la profession d'avoué à la cour de Bordeaux. Sa mère, Marie-Louise Hériard, était sans profession. Il avait un frère, Olivier, employé de préfecture, sympathisant communiste et membre du mouvement Paix et Liberté. Selon ses dires, il semblerait que les autres membres de la famille, oncles, cousins étaient d'extrême droite et membres pour certains des Croix de Feu et du PPF, et de ce fait, il n'avait plus aucune relation avec eux. Très sportif, il fut titré champion de France d'aviron, en simple messieurs.
Raymond s'ouvrit à la politique en 1927 ; dans sa biographie militante, il dit : «Je suis devenu marxiste par raison, le milieu bourgeois dans lequel je vivais m'a toujours dégoûté. J'ai voté communiste toujours même avant d'avoir une éducation politique. Il y a 4 ans que je lis Marx et Lénine».
En 1933 il effectua son service militaire à Bordeaux dans un service sanitaire et sera démobilisé avec le grade de sous-lieutenant de réserve. Il fut adhérent au mouvement Paix et Liberté, commission éducation, de Pessac ainsi que membre de la maison de la culture de Bordeaux.
Il a obtenu son diplôme de docteur en médecine le 23 octobre 1935 après des études à la faculté de Bordeaux. II exercera au sanatorium Xavier-Arnozan de Pessac où il sera affecté, et se spécialisera dans la prophylaxie de la tuberculose. Il était adhérent à la CGT des techniciens médicaux.
Il effectua une période militaire en 1936, et fera de la propagande pour le Front National, mais précise qu'il n'était pas mandaté par le Parti. Son adhésion au PCF eut lieu en janvier 1937, parrainée par Marcel Guibert, tout d'abord à la cellule de Pessac-centre puis ensuite à celle de Monteil. Durant cette année, il participa à toutes les manifestations et fêtes ouvrières.
En octobre 1937, il suivit des cours à l'école de marxisme organisée par les Jeunesses communistes de Bordeaux, et sera secrétaire de section durant les deux mois qui précéderont son départ pour l'Espagne.
Raymond Nancel-Pénard perfectionnait ses connaissances politiques par des lectures de journaux et revues : ‘’ L'Humanité’’, ’’Russie d'aujourd'hui’’, ’’URSS en construction’’, ’’ Regards’’ et ’’ La correspondance internationale’’, et par des ouvrages comme ’’Le capital’’, ’’Salaires prix et profits’’, ’’La maladie infantile du communisme’’, ’’Impérialisme stade suprême du capitalisme’’, ‘’Etat et révolution’’. De par son engagement militant, il écrira également quelques articles dans le journal du Rayon intitulés “Critique de la pensée de droite’’, ’’Front populaire et unité’’, ainsi que d’autres concernant l'hygiène. Avant son départ comme volontaire en Espagne républicaine qui eut lieu le 13 janvier 1938, Raymond Nancel-Pénard était célibataire et résidait 6, rue Renaud à Cauderan (Gironde) Trilingue, il parlait anglais et espagnol.
Sommaire
L’Espagne
Il arrive illégalement en Espagne, aidé par le PCF, le 15 janvier 1938, en passant par la montagne (voir article Passage clandestin des Pyrénées), via Espolla, avec René Reboul René REBOUL (biographie en cours), un autre médecin « pour lutter contre le fascisme et si possible faire de la propagande pour le Parti en Espagne et pour la France ».
Nommé lieutenant le 21 janvier, après un passage à Villanueva de la Jara il est affecté à l'hôpital de Benissa du 1er février au 1er avril 1938. Ensuite il rejoint l'hôpital de Valdeganga près d’Albacete jusqu'au 10 avril. Sa dernière affectation sera Moya en qualité de responsable du service des tuberculeux de ‘’la Pineda’’, jusqu'au retrait des Brigades. Durant son engagement il obtient une permission de 24 heures qu'il passe à Portbou.
Dans le document de démobilisation qu’il complète le 11 novembre 1938, diverses questions lui sont posées notamment concernant son avis sur les 13 points de gouvernement d'union nationale Negrin.
Il répond
« que ce programme [mot illisible] pour tout Espagnol resté patriote est réellement un programme d'union nationale. Qu'il est constructif non seulement pour la politique de guerre actuelle mais aussi pour l'après-guerre. Qu'il est en même temps progressif. Qu'il a déjà réalisé et réalisera d'avantage l'unité du peuple espagnol dans la lutte contre le fascisme».
Il trouve toutefois des objections à apporter
« Je ne comprends pas pourquoi un plébiscite peut décider de la structure juridique et sociale d'une république. Ce point me paraît un peu vague et manquer de clarté.<:/blockquote> » Concernant la politique de front populaire en Espagne:
« elle a réalisé ce que l'on attendait d'elle tant au point de vue unitaire, au point de vue de lutte contre le fascisme, qu'au point de vue réalisations sociales ; que les gouvernements successifs ont chacun marqué une étape dans ces réalisations ; que [passage illisible] national actuelle est l'aboutissement de cette politique et qu'elle réalise ce que demandait Thorez en France en 36 “le front des Français’’ »
Il trouve que c'est une politique bonne et juste pour les raisons suivantes :
« parce que depuis 2 ans le fascisme essaie de s'emparer de l'Espagne sans résultats alors que l'Autriche et la Tchécoslovaquie, pays sans front populaire ont été [illisible] sans combat ; parce que la politique Espagnole a contribué puissamment au rapprochement et à l'unification des forces antifascistes mondiales.»
Concernant le rôle et l'organisation des BI « Les Brigades ont été une magnifique expérience d'unité antifasciste face grâce à un idéal commun (et ont démontré que cet idéal suffit pour aplanir tous les obstacles), les différences de nationalités, de nos tendances ont disparues dans les luttes qu'elles ont menées au côté des Espagnols contre l'ennemi commun le fascisme. Étant une armée politique, je pense qu'il était absolument nécessaire 1° d'être organisé comme toute armée c'est à dire une vraie discipline stricte à la base. 2° d'avoir des commissaires dont le rôle me semble capital. Les Brigades ont joué un rôle militaire, surtout au début, moins dans la suite car numériquement faibles, et que l'armée populaire était formée (ne pas oublier Caspe toutefois) mais surtout le rôle d'exemple démontrant la force de l'unité antifasciste et la nécessité d'avoir une armée organisée. Un rôle moral enfin qui n'est pas négligeable tant en Espagne …….[illisible]».
Concernant ses connaissances militaires il avoue ne rien avoir appris, par contre celles relevant de la politique, il dit :
« au point de vue politique à travailler semi illégalement pour le parti, à organiser le parti : travail de contrôle et vigilance, à comprendre vraiment ce que doit être un front populaire et ses possibilités.»
Plusieurs appréciations apparaissent concernant ce volontaire, notamment celle de Maniou de la Commission des cadres du PCE section étrangère.
«du point de vue professionnel, excellent en tous points. A de grandes capacités, est très sérieux et très dévoué. Très bon également du point de vue politique. Possède une bonne culture. Est intimement lié à la masse. Ne travaille qu'avec la perspective que son travail profite à l'ensemble des blessés. A fait un gros travail du PC dans son hôpital. A de bonnes connaissances politiques et réalise beaucoup. Sa conduite est un exemple. Il est simple, aime les blessés, et passe parmi eux de longues heures pour les instruire. Tempérament un peu doux. C'est un cadre de notre parti à utiliser. Peut se développer beaucoup plus. C'est un des meilleurs médecins qui soient venus en Espagne, tant du point de vue professionnel, que du point de vue militant de notre parti et pour sa conduite morale».
Durant son engagement, il adhère au PCE PCE. Raymond Nancel-Penard est rapatrié en décembre 1938.
Le retour
De retour à Bordeaux, il ne peut réintégrer le sanatorium et ouvre un cabinet à son domicile 34, rue Mozart. En janvier 1939, il épouse une ouvrière de Caudéran Marie-Jeanne Marsan.
A la déclaration de guerre, Raymond est mobilisé comme médecin auxiliaire au 3 eBataillon du 218 e Régiment d’Infanterie stationné à Bayonne. Mais en raison de ses opinions politiques connues, il est envoyé dans le sud marocain. Démobilisé après l'armistice, de retour à Pessac, il rejoint dans la clandestinité les dirigeants locaux du Parti communiste.
La Résistance
La police perquisitionne son domicile le 9 mai 1940 puis une seconde fois le 22 novembre et cette fois trouve du matériel destiné à l'impression d'un journal. Raymond est alors emprisonné au 24, quai de Bacalan à Bordeaux.
Des démarches entreprises par ses anciens supérieurs dans l'armée et une pétition signée par ses confrères, portée au préfet, ont semble-t-il aidé à sa libération le 15 février 1941. Le président du Conseil de l’Ordre, le professeur Mauriac, blâme les signataires, et renvoie la pétition au Préfet avec cette phrase : « individu dangereux ». Appréhendé de nouveau le 8 juin, il est cette fois emprisonné, avec d'autres communistes, au camp de Mérignac-Beaudésert.
La police française essaie de lui faire signer une déclaration de soumission à Pétain, ce qu'il refuse. Le rapport de police établi le 1 er août 1941 précise : « A juste titre Nancel-Penard peut être classé parmi les internés les plus dangereux car, à sa culture générale, il allie une fraternité de caractère qui fait de lui un homme d'action ». Suite à un attentat commis contre un officier allemand le 21 octobre, les nazis exigent que leur soient livrés 50 otages. Faisant partie du nombre que désigne le préfet, Raymond est conduit le 23 octobre à la prison du fort du Hâ avec un autre communiste ancien Brigadiste, Roger Allo, Roger ALLO. Le préfet en personne tente une nouvelle fois de leur faire renier leurs convictions, ils refusent de nouveau.
Raymond Nancel-Pénard est fusillé avec 49 autres otages le 24 octobre 1941 au camp de Souge à Martignas-sur-Jalle en Gironde.
Son nom figure sur la liste des résistantes et résistants homologués FFI et DIR dossier administratif référencé GR 16 P 439663, publiée par le Service Historique du Ministère de la Défense. Une rue de Bordeaux et une avenue de Pessac portent le nom du Docteur Nancel-Pénard.
Sources
RGASPI (Moscou, F. 545. Op. 6. D. 36 et 48) - RGASPI (Moscou, F. 545. Op. 6. D. 1043. 1044 et 1331) - Archives départementales des Charentes, État civil, cote 3E60/9, acte de naissance n° 9 du 3 août 1906 - Service Historique du Ministère de la Défense – Maitron : Fusillés et exécutés.