JOURDAN Aldo
Aldo Jourdan est né le 23 février 1911 à Gênes (Italie) d’un père français. Il était marié, père d’un enfant, et vivait à Nice où il exerçait la profession de cuisinier-pâtissier. Après des études primaires et divers petits emplois, il avait fait 3 ans d’apprentissage et suivi des cours spéciaux pour devenir pâtissier, d’abord en magasin puis en hôtellerie. Il travaillait chez un glacier à Juan-les-Pins avant son départ en Espagne. Il avait fait son service militaire au 18e Bataillon de Chasseurs-alpins à Grasse, de 1931 à 1932.
Adhérent de la FSI et du syndicat CGT des cuisiniers-pâtissiers de Nice (Fédération de l’Alimentation), membre du conseil syndical, il avait créé une section syndicale des employés d’hôtels à Contrexéville et Vittel dans les Vosges. Il participa aux grèves de 36 dans les hôtels de Vittel et Contrexéville, et à une contre-manifestation avec bagarre de rue contre les croix de feu du Colonel de la Rocque à Nice.
Il adhéra au PCF en 1935, expliquant être « venu au Parti après avoir réfléchi sur les événements de février 1934. Influencé par la lecture et aussi par l’esprit de lutte, ma situation économique s’étant aggravée depuis juillet 1935 ». Il deviendra secrétaire de cellule 2 mois après son adhésion, responsable pour sa section de la diffusion du journal régional et de la propagande pendant un an, élu au comité régional et mandaté à la conférence nationale du PCF à Montreuil en janvier 1937. Il écrivait des articles pour le journal régional du PCF. Dans les formulaires remplis en Espagne, il dira son goût pour la lecture et le travail personnel. Il était ainsi adhérent aux Amis de l'Union Soviétique, au comité Amsterdam-Pleyel, au Secours Rouge depuis 1936 et citait ses lectures : Correspondance Internationale – Cahiers du Bolchévisme – le Manifeste communiste de Marx et Engels – le Léninisme théorique et pratique – l’Etat et la Révolution – la Commune de Paris – la Guerre civile en France. Il précisait son intérêt pour l’étude du matérialisme historique, et la question de l’Etat.
L’Espagne
Il arrive en Espagne le 18 mars 1938 par les Pyrénées via le comité d’aide à l’Espagne des Alpes-Maritimes « pour lutter dans la mesure de mes moyens physiques et intellectuels ». Pressenti pour s’occuper de l’organisation du Parti dans sa compagnie, il déclare : « Je vais le faire de mon mieux ».
Il est affecté début avril à la 1ère Compagnie du Bataillon d’instruction de la 14e BI (questionnaire du 30/3/38 rempli à Villanueva de la Jara.
Sur le front de Catalogne – Benifallet et Amposta - il est responsable des armes et des munitions pour sa compagnie, du 3e du Bataillon André Marty de la 14e BI. Il prend part à la tentative du Passage de l'Ebre avec son bataillon le 25 juillet 1938, puis en septembre à la résistance de ce bataillon dans les combats de la Sierra Caballs Bataille de l’Ebre. Il combat en première ligne dans l’attaque de la cote 356 avec sa compagnie qui appuyait le 10e Bataillon Bataillon Vaillant-Couturier le 8 septembre au matin. Il y est blessé et commotionné. On l’évacue sur l’hôpital divisionnaire.
Dans le questionnaire du Commissariat de guerre des BI qu’il remplit le 8 novembre 1938, il donne son avis : • Sur les 13 points du gouvernement Negrin : « ils sont un programme de lutte capable de rallier et d’unir tous les Espagnols, et qui donne une grande autorité internationale au Président Negrin (seul programme juste dans les conditions actuelles de la lutte) » • Sur le Front Populaire en Espagne : « mon opinion est que le F.P. espagnol suit une politique juste et qu’il faut que l’on tienne compte des recommandations du Ministre Uribe en ce qui concerne les paysans : leur laisser une partie de leurs produits pour la vente libre ». • Sur les Brigades Internationales : « je pense qu’avec quelques défauts inévitables, les BI ont joué un rôle très important en Espagne. Les défauts que j’y ai vus ont été selon moi l’incompréhension que certains camarades avaient de leur rôle. En ce qui concerne le côté militaire, beaucoup d’inconvénients venaient de ce que les cadres subalternes (cabos et sergents) étaient noyés dans la masse des soldats et ne jouaient pas leur rôle. Cela non pas d’une manière générale, mais quelquefois. » • Sur ce qu’il a appris en Espagne : « j’ai vérifié dans la réalité l’instruction militaire reçue en France et j’ai appris à rester calme sous des feux très durs ; j’ai vu que la guerre est une épreuve très dure et un bon moyen de sélectionner les hommes qui sont dévoués jusqu’au bout à leur classe et à leur idéal. J’ai acquis une grande confiance en ce que peut faire un peuple uni et décidé, et j’ai des arguments pour faire connaître ce point de vue. »
En conclusion, après la décision de retrait des Brigades Internationales, il souhaite rentrer à Nice pour retrouver sa femme et son fils, sa mère et sa sœur.
La Résistance
En septembre 1939, il est mobilisé au 74e bataillon de Forteresse ; il est arrêté à son corps en février 1940 « alors qu’il accomplissait un travail d’information clandestine ». Un tribunal militaire le condamne alors à 5 ans de prison le 8 mai 1940. Il est incarcéré à la prison de Nice. Il va être par la suite transféré à la Centrale de Nîmes et connaîtra le 14 juillet 1943 les incidents de la fête Nationale fêtée par les détenus avec des dizaines de drapeaux tricolores jetés à terre par les surveillants dans une grande confusion. Aldo Jourdan est transféré le 15 octobre 1943 à la Centrale d’Eysses. Un premier soulèvement des détenus a lieu les 9,10 et 11 décembre 1943 appelé « les trois glorieuses » afin d’empêcher le transfert de prisonniers. Aldo va vivre le soulèvement du 19 février 1944 au cœur des combats. L’armée allemande, aidée de gardes mobiles et de miliciens mettra un terme à cette tentative d’évasion au bout de 4 jours. Il fait partie d’un groupe livré par Vichy aux autorités allemandes. Envoyé au camp de Compiègne-Royallieu (Stalag 122) le 30 mai 1944, il le quittera le 18 juin dans un convoi de 2 143 déportés qui arrive au camp de Dachau le 20. Les bombardements alliés provoquant des transferts de déportés, Aldo est envoyé au camp d’Allach, puis à celui d’Auschwitz le 7 novembre. Devant l’avancée des troupes soviétiques, il fait partie du premier groupe de déportés quittant la Pologne pour Mauthausen le 25 janvier 1945 puis envoyé rapidement au camp d’Ebensee en Autriche afin de servir de main d’œuvre au percement de tunnels pour y abriter des usines d’armements. C’est dans ce camp qu’il retrouvera la liberté le 6 mai 1945. Sa réception en France est enregistrée à Nancy le 27 mai 1945.
Aldo Jourdan fut un des fondateurs de la FNDIRP ( Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes) pour les Alpes-Maritimes et un des responsables de l’AVER. En 1967, il entre dans l’enseignement technique. A l’occasion du cinquantenaire des Brigades et du début de la guerre en Espagne, l’INA a enregistré une séquence filmée dans laquelle Aldo Jourdan décrit ces années de lutte (libre accès). Il prend sa retraite en 1975 et va s’installer à Menton jusqu’à la fin de sa vie.
Sources
Archives AVER - Récit d’Aldo Jourdan paru aux Editions Zeitgeist collection ACER / Volontaires en Espagne Républicaine (septembre 2024) - RGASPI (Moscou, F. 545. Op.3. D.1244) - Association pour la mémoire d’Eysses - Mémorial de la Déportation - Mémorial de Mauthausen - INA et Côte d’Azur actualités -