MARTINEZ ROBLES Felipe

De Encyclopédie : Brigades Internationales,volontaires français et immigrés en Espagne (1936-1939)
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Felipe Martinez Robles est né à Raismes (Nord), en 1916, dans une famille originaire de la province de Léon, venue en France vers la fin de 1913.

Après avoir obtenu son Certificat d’études primaires, il travaille dans diverses usines et ateliers. Membre de la CGT et des JC, il va s’investir dans les luttes syndicales : après avoir créé le syndicat à la Soierie d’Odomez, licencié, il va retrouver du travail à la « Fonderie Hallage-Cochon à Bruay sur Escaut, pendant les grandes grèves de 1936. « Je faisais partie de la délégation qui élaborait le cahier de revendications. Le patron l’a su, j’ai été licencié. Avant même d’avoir vingt ans, j’avais déjà été licencié deux fois pour activités syndicales ! » (op. cité p.10)

Avant de partir pour l’Espagne, il travaillait à Usinor à Lourches.

Partir, n’est pas une mince affaire, le groupe d’amis se rend plusieurs fois au Consulat d’Espagne à Lille qui finit par leur donner des passeports à faire viser par l’ambassade d’Espagne à Paris. L’accueil est plutôt négatif, heureusement un employé de l’ambassade leur conseille « Vous voulez partir en Espagne ? Ici c’est tous des fascistes ! Allez plutôt rue Mathurin-Moreau, à la maison des syndicats. » (op. cité p.11)

Le soir même, ils prenaient le train direction Marseille :

« En entrant dans le train, nous avons été surpris : il n’y avait que des hommes, des jeunes, parlant toutes les langues ! C’était un train rempli de Brigadistes, des Allemands, des Tchèques et d’autres encore de diverses nationalités. Pour les Espagnols de France, il y avait notre groupe de Sabatier mais aussi des Espagnols de Saint-Denis. » (op. cité p.11)

Le 10 octobre 1936, ils embarquaient sur le Ciudad de Barcelona.

L’Espagne

Le petit groupe de Sabatier arrive à Alicante le 13 octobre 1936 :

« On était plein d’enthousiasme : d’Alicante à Albacete, dans chaque gare où on s’arrêtait, la fanfare du village venait jouer de la musique pour nous, les villageois nous acclamaient, le vin et le raisin montaient à profusion dans les wagons.»

Après une formation militaire des plus sommaires :

« Au cours de la formation militaire qu’on a eue, j’ai dû tirer cinq balles tout au plus, avec un fusil anglais, le Remington. Nous ne nous sommes même pas servis des grenades. Il fallait surtout marcher, il y avait beaucoup d’instruction militaire. » (op. cité, p.13)

Intégré, comme ses compagnons, dans le Bataillon Edgar André de la 11e BI, il va participer à toutes les batailles du Bataillon (Bataille de Madrid, Défense de Madrid, le front du Jarama, Guadalajara (mars 1937), Brunete jusqu’ en septembre 1937, mois où il intègre la 236 ème brigade de guérilleros de la 75ème Division du XIVème Corps d’armée.

Il a été blessé :

« Au début de 1937, j’ai quand même été blessé à Brunete (voir Défense de Madrid). C’était une blessure légère, la seule que j’ai eue de toute la guerre. J’étais sur un monticule avec quelques copains de Sabatier quand je me suis demandé ce que j’avais au pied. Ça me chatouillait. J’avais des chaussures montantes, à trois boucles. J’ai vu du sang, alors j’ai enlevé la chaussure, la chaussette et j’ai vu qu’une balle avait traversé la cheville. Je suis descendu au poste de secours, on m’a soigné, embarqué dans l’ambulance et je suis allé à Madrid à l’Hôtel Palacio (voir Palace Hôtel (Madrid) en face des Cortes, pendant une semaine, mais la blessure n’était pas grave. » (op. cité p.25)

Le retour et la Résistance

Il passe la frontière le 9 février 1939 à La Vajole:

« Au premier village en France, on a rencontré des gendarmes.

J’avais des jumelles, une boite avec une boussole, mon pistolet 9mm, et une valise. Dans la valise, des cigarettes ‘Lucky Chesterfield » et un livre, « l’histoire du Parti bolchevik d’URSS ».

Quand on s’est présenté, j’ai remis aux gendarmes le pistolet, c’était normal, et un officier m’a demandé :

« Qu’est-ce que vous avez dans la valise ? »

Il l’a ouverte, il a regardé le livre, et il a pris les deux paquets de cigarettes ainsi que les jumelles et la boussole. Quand il a eu fini, je lui ai demandé en français :

- Monsieur le Capitaine, vous avez fini ?

Il m’a regardé, avec étonnement, j’ai continué :

- Le pistolet, c’est du matériel de guerre, mais tout ce que vous prenez là, ce n’est pas du matériel de guerre. C’est du vol ! - Vous étés français ?

- Non, je ne suis pas français, je suis espagnol. Vous ne vous comportez pas comme un officier. L’arme c’était normal que vous la preniez, mais pas le reste !

Il a blêmi. Que pouvait-il répondre ? Mais il n’a tien rendu ! » (op. cité, p. 51)

Il est ensuite dirigé sur le Camp de concentration de Saint-Cyprien puis sur celui de Barcarès.

Au bout d’un mois et demi, il réussit à s’évader et arrive finalement à Raismes-Sabatier en avril 1939. Il participe à la formation des premiers groupes de résistants :

« Malgré tout, les premiers groupes de résistants, isolés, à Sabatier ce sont les anciens Brigadistes qui les ont formés. Ainsi le 1er mai 1940 sont apparus sur les fils électriques de Sabatier des drapeaux rouges. Ceux qui les avaient mis étaient les mêmes que ceux qui glissaient, la nuit, des tracts syndicaux ou communistes sous les portes. » (op. cité, p. 55)

Il y travaille comme mineur et participe à la grande grève des mineurs de mai-juin 1941. Arrêté le 13 septembre par la Gestapo, il est interné à la caserne Vincent de Valenciennes, puis transféré, en janvier 1942, à la prison Saint-Gilles de Bruxelles. En mai 1942, il est déporté au Camp de concentration de Mauthausen. Il fait partie de la direction politique du comité de résistance espagnol. Il est rapatrié le 18 mai 1945.

« Le 20 septembre 1945, je reprenais le travail à la mine. » (op. cité, p. 75) « Aujourd’hui [1998], retraité-mineur et silicosé, âgé de 81 ans, je vis paisiblement avec ma femme, dans la cité de Sabatier. »

Sources

Martinez Robles, Felipe, ‘’ Souvenirs d’un mineur du Nord, Des brigades Internationales au Camp de Mauthausen’’, Association Rememot, 1999.