FRANCIOLI Gaspare
Gaspare Francioli est né le 15 juin 1905 à Arizzano (Italie). Il est l’aîné d’une famille de cinq enfants. Son père travaillant en France, ne revenait en Italie que tous les deux ou trois ans. Deux de ses frères iront, à leur tour, travailler en France : Giovanni à Epinay-sur-Seine et Carlo à Saint-Denis.
Sa nécrologie, parue dans le journal La Marseillaise, daté du 6 novembre 1992, résume ainsi ses années de jeunesse :
« Gaspard commence à travailler à 10 ans, dans son village pendant la guerre. Il arrive en France en 1923. Repart en Italie en 1925 pour le service militaire débuté pour lui en prison sous le fascisme. 1928 : retour en France et militant ouvrier. Gaspard est également sportif, ami de la nature; en 1933, lors d’activité de nature, il rencontre celle qui deviendra plus tard son épouse. Il adhère au PCF en 1932. »
C’est un militant très actif, ainsi pendant les grèves de juin 1936, un rapport de la police politique italienne mentionne :
« Durant cette période de grève, Francioli se montre très actif et parcourt la ville en motocyclette pour dénicher les rares ouvriers qui travaillent clandestinement. Ayant su que 2 ouvriers effectuaient des réparations urgentes au 3e étage de notre édifice [Consulat d’Italie] il vint personnellement s’en assurer depuis la rue et envoya une nombreuse équipe d’ouvriers français pour faire cesser le travail avec le risque de provoquer de graves incidents que nous pûmes heureusement éviter. »
Un autre rapport le décrit ainsi :
« C’est un individu capable de faire du prosélytisme parce qu’il lit beaucoup et suit avec un intérêt particulier toutes les manifestations intellectuelles à tendances extrémistes. Il étudie l’espéranto qui se répand de plus en plus dans les masses ouvrières du Nord qui pensent que de cette façon pouvoir établir des relations plus faciles avec la Russie. Quelques groupes espérantistes du Nord ont déjà délégué en Russie les meilleurs d’entre eux pour s’entendre avec leurs camarades. »
Célibataire au moment de son départ, il exerçait la profession de maçon et demeurait à La Madeleine (Nord).
L’Espagne
- Premier départ
En août 1936, alors qu’il faisait du camping à Hossegor, avec son ami Daniel Wallard, il passe la frontière et participe, spontanément, aux combats d’Irun :
« Dans un couvent à Irún on lui donna des armes et il monta la garde sur une colline proche de la ligne de feu. Ce fut son premier baptême de feu. Il rentra en France après quatre ou cinq jours son départ d’Espagne n’ayant pas encore été organisé. »
En novembre 1936, les brigades internationales créées, il désire repartir mais étant un des responsables du parti pour les italiens à Lille, celui-ci ne lui donna pas l’autorisation.
- Deuxième départ
En mars 1937, il obtient l’autorisation de partir. La frontière vient d’être fermée, le PCF commence à organiser les passages clandestins. Son témoignage montre la difficulté de passer la frontière :
« Il prend le train pour Alès, puis va en autocar jusqu’à Béziers. Il séjourne avec d’autres volontaires chez des paysans près de Béziers (un jour ou deux).Il s’agit de se disperser dans la région, de ne pas trop se faire voir afin de ne pas se faire arrêter avant la frontière. Puis départ en autocar pour Perpignan, à la maison du Peuple. Ils sont alors une trentaine : Français du Nord, Belges, Autrichiens, Italiens, deux juifs venus de Palestine. Ils prennent l’autocar, jusqu’au pied des Pyrénées, puis partent à pied dans la nuit. On leur a donné des espadrilles et un pain. Beaucoup ont abandonné tout de suite leurs chaussures et conservé seulement leurs espadrilles. Mais ils ont à passer, tout habillé une rivière. Ils en sortent tout mouillés, presque tous ont perdu leur pain, beaucoup leurs espadrilles. L’organisation est mauvaise. Le guide montagnard perd les trois-quarts de la troupe dans la nuit. Vers minuit, la pluie se met à tomber. Certains marchent avec les pieds nus ou enveloppés de caleçons. Vers deux heures du matin, ils arrivent en haut, en Espagne. Ils ont toujours très faim. [….] Enfin, ils arrivent à une route qui les mène à un village où on leur donne un peu à manger. Puis un autocar le conduit à Figueras, où se trouve le centre d’accueil des volontaires. »
Arrivé à Albacete, il est affecté au centre d’instruction de Madrigueras de la 12e BI. Il est désigné pour suivre les cours de l’école des officiers de Pozo Rubio et devient sergent, chef d’une section.
ll est blessé le 12 octobre 1937 à Fuentes de Ebro lors de l’offensive républicaine d’Aragon. Evacué sur Quinto, il est hospitalisé dix jours à l‘hôpital d’Alcañiz (Teruel).
Il participe ensuit aux combats de Sierras Quemadas (Estrémadure).
Devant l’ Offensive franquiste d’Aragon, la 12e BI est transportée d’urgence sur ce front. Dans les combats de Caspe, le 28 mars 1938, une balle lui transperce le poumon droit. Il respire difficilement et ne peut pas parler. Commence alors une longue série d’hospitalisations et de centres de récupération, d’abord à Gandesa, puis Tortosa, Cambrills, Mataro, Santa Coloma de Farnes, Castelfollit de la Rocca.
Ce n’est qu’en août 1938 qu’il peut rejoindre sa brigade. Il participe à la bataille de l’Ebre. Son unité s’installe dans la Sierra de Caballs :
« Le ravitaillement est désorganisé ; les bombardements, par canon ou aviation, sont quotidiens, les collines prises ou reprises. G., qui n’est pas encore bien guéri, est trempé de sueur chaque nuit. Toujours à terre, dans les cailloux, il a comme ses camarades, les vêtements en lambeaux. […] la chaleur est accablante bien que l’on soit en septembre. Les pertes sont énormes chaque jour. Sans cesse ils vont en avant, en arrière. Les ennemis les rejettent en bas le jour, ils remontent la nuit. L’air empeste, autour d’eux à cause des cadavres mal enterrés, la couche de terre étant trop minces. Les avions les bombardent sans cesse, car i n’y a plus de défense antiaérienne. Des incendies sont allumés par les avions. Chacun se terre dans son trou. »
Il est blessé à nouveau par un éclat au pied gauche. Rétabli, après la décision du retrait des brigades prise par le gouvernement d’union nationale présidé par Negrin, il attend son rapatriement pour la France. Il devient responsable d’un Centre d’accueil pour les brigadistes. En janvier 1939, après la prise de Barcelone par les troupes franquistes, un gamin de 13 ans, seul dans le désordre de la retraite, vient dans son bureau. Il le prend sous sa protection et ils passent ensemble la frontière à La Junquera.
Le retour
Ils sont internés au Camp de concentration d'Argelès-sur-Mer où le jeune garçon retrouve son père (le petit garçon deviendra plus tard le parrain civil de Françoise, première fille de Gaspare). En avril 1939, les internationaux sont transférés au Camp de Gurs. Grâce à l’intervention d’André Gide, il peut sortir du camp au début juin 1939 et se rend à Trouville où habite son ami Daniel Wallard.
Refusant d’intégrer la légion étrangère comme lui propose le gouvernement français, en avril 1940, il s’engage dans l’armée française. Fait prisonnier à Caen, le même mois, il restera cinq ans prisonnier en Allemagne.
L’Espagne au cœur
Sous la dictature franquiste, il va en Espagne pour montrer les lieux de la guerre à sa femme et à ses deux filles. En 1988, il retourne à Barcelone à l'occasion de l’inauguration du monument érigé, rambla du Canal, pour les 50 ans du départ des volontaires. Il s’inscrit à l’AICVAS.
Gaspare Francioli décède 3 novembre 1992 à La Seyne-sur-Mer, où il s’était établi en 1946 avec son épouse, qu’il avait rencontrée dans le mouvement des Auberges de la Jeunesse et qui avait été sa marraine pendant sa captivité. Il avait deux filles Françoise et Sylvette.
Sources
Souvenirs de la guerre d’Espagne, 1936-1939, (recueillis par Fernande Francioli, son épouse), transmis par sa fille Françoise Francioli.
Cassellario Politico Centrale (Notes sur le dossier du CPC, rédigées par Rudy Damiani, transmises par Françoise Francioli)
La Marseillaise, 6 novembre 1992
RGASPI (Moscou F 545 Op 6 D494)