CLOUET Marcel

De Encyclopédie : Brigades Internationales,volontaires français et immigrés en Espagne (1936-1939)
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(1911-1944)

Marcel Clouet est né le 30 mai 1911 à Toulouse.

Il était le fils d’Amédée Clouet, serrurier, militant anarchiste et un des fondateurs avec Marcel Craste du PCF à Toulouse.

Après des études primaires, il entre comme apprenti charpentier à la coopérative ouvrière les « Charpentiers réunis ».

Devenu compagnon charpentier, il fera son Tour de France et aura ainsi l'occasion de travailler à la toiture du magasin La Samaritaine de Paris.

De retour à Toulouse, il milite activement et devient un des organisateurs de la JC dans cette ville. Pendant les journées de 1934, il participe aux manifestations contre les ligues et les gardes mobiles à cheval. Ayant semé le trouble lors d’une oraison funèbre des factieux à la basilique Saint-Sernin, il est arrêté et détenu pendant quelques jours en mars 1934.

Il suit les cours de l’école des cadres du PCF dirigée par E. Fajon à Gennevilliers. Il est élu à la direction nationale de la JC. En 1935, il est envoyé par le PCF en Union Soviétique, probablement pour suivre les cours de l'école Léniniste Internationale (ILE) de Moscou. Il y restera 18 mois.

Célibataire, lors de son départ pour l'Espagne, il était domicilié à Toulouse.

L’Espagne

Il rejoint, en bateau et de nuit, les troupes républicaines qui luttent sur le front nord. Il arrive à une date non déterminée à Bilbao :

«  Bilbao ; au premier aspect on voit qu’ici c’est la guerre qui se déroule. Tout d’abord car le front n’est pas loin 3 kms au plus, on entend le feu nourri des mitrailleuses et de l’artillerie ; la ville vous donne de même l’aspect de la lutte qui se déroule ici, les immeubles les plus solides ont leurs caves transformées en refuges, de grandes queues stationnent pour recevoir quelques vivres, nombreux magasins sont fermés par manque de marchandises et tanks, ambulances, troupes circulent sans arrêt dans les artères de la ville ; à cela s’ajoute les maisons éventrées, incendiées par les bombes meurtrières.[…]]

Malgré cela la vie continue avec plus de difficultés et la circulation intense laisse apparaître une certaine animation ; mais tout à coup les sirènes se font entendre et comme une traînée de poudre une seule phrase circule : les avions ! En effet on voit apparaître une quinzaine de ces terribles trimoteurs qui sèment la mort, la ruine, la destruction sur leur passage.

En quelques minutes l’aspect n’est plus le même ; femmes et enfants affolés courent vers les refuges ; les voitures, tramways sont abandonnés sur la chaussée et le grand bruit de tout à l’heure fait place à un silence angoissant ; mais quelques secondes et c’est le sifflement des balles de mitrailleuses, des bombes qui éventrent voitures, immeubles et chaussées ; un bruit sourd résonne dans l’air, ce sont les oiseaux de mort qui passent au dessus de nous après avoir terminé leurs inqualifiables crimes. A nouveau les sirènes sont mises en action, annonçant la fin du ravage. Dès lors le trafic continue.

C’est terrible à voir ! des maisons brûlent sous le coup des bombes, des trous encore fumant où rentrerait un camion sont là béants sur la chaussée ; les rails tordus, déchiquetés, arrachés au sol s’élèvent à la hauteur d’un étage, les façades sont parsemées d’éclats. » (Lettre à son père, Bilbao, non datée)

Cette vision l’indigne et il laisse éclater sa rage contre « la farce de la « non-intervention » qui « laisse la voie libre au fascisme et qui en fait assassine l’Espagne Républicaine ».

Il a bien conscience que c’est « le premier acte de guerre contre la France ».

Nous luttons avec la conscience de nous battre non seulement pour sauver l’Espagne, mais aussi pour sauver nos petits ariègeois, toulousains et autres qui seraient les premiers touchés, pour sauver notre beau pays de France, la paix du monde et la liberté de tous les peuples. » (Lettre à son père, Bilbao, non datée)

Les combats se poursuivent et les troupes républicaines reculent (Bilbao va tomber aux mains des franquistes le 19 juin 1937).

Il fait partie de la « 10éme Légère Asturienne » et clame contre le manque d’armement :

«Mais il faut d’urgence [vous] occuper du peuple héroïque d’Espagne. accentuez votre action en sa faveur ; des vivres, des médicaments c’est bien ; mais c’est aussi des canons et des avions qu’il nous faut. »

« La retirada que nous avions été obligé de faire pour prendre des positions plus fermes a été assez dure, cela du fait que les fascistes voulaient empêcher celles-ci en mitraillant, bombardant les routes sur lesquelles nous devions passer. Pour notre part nous avons subi quatre bombardements et je dois vous dire que nous avons eu un peu chaud, car ça pleuvait de tous les côtés ce jour-là.

Pendant ces heures terribles, je pensais aussi à notre pays et au sort qui lui serait réservé si le fascisme était victorieux en Espagne ; quand je voyais ces femmes, ces enfants, ces vieillards terrifiés, qui couraient de toutes parts pour échapper au massacre, je pensais aussi à cette fameuse duperie qu’est la « non-intervention ». En effet d’un côté, celui des républicains, peu d’armes, surtout de l’ardeur, de l’enthousiasma, du courage malgré la fatigue et la faim et de l’autre des troupes fraîches composées d’Allemands, de Maures, et surtout d’Italiens.

Voilà à quoi aboutit la « non-intervention » qui laisse la voie libre au fascisme et qui en fait assassine l’Espagne Républicaine. Actuellement pensez à ce Nord de l’Espagne où des enfants sont parfois privés de lait et autres aliments nutritifs qui leur sont nécessaires. Vous qui là-bas avez une vie plus calme, vous qui ne voyez pas, vous qui ne subissez pas ces horreurs, pensez à ceux qui sont ici, surtout les femmes et les enfants.

Mais une chose s’impose au-dessus de tout, c’est le rétablissement du libre commerce des armes avec l’Espagne Républicaine ; ainsi seulement on rapprochera notre victoire qui sera en même temps la vôtre. »

(Lettre non datée)

Il participe aux derniers combats d’Asturies.

Fait prisonnier par les troupes franquistes, il est emprisonné à Llanes. Il sera libéré au bout de 16 mois.

Le retour

A son retour en France, « La dépêche du Midi » lui consacre un article « Marcel Clouet un vieux cheval de Retour ».

Il continue le combat en aidant les réfugiés espagnols.

En 1939, mobilisé, Marcel Clouet lance un appel dans « La voix du Midi »

« …les jeunes communistes feront leur devoir mais qu’on ne les traite pas comme des réprouvés ».

Selon le témoignage de son neveu, Robert Bergeaud

« Envoyé au front comme mitrailleur assurant la défense d’une batterie aérienne au 18e d’artillerie à l’offensive allemande de mai. Il est grièvement blessé durant la retraite de l’Aisne. Il a le bras droit arraché, il sera amputé et 25 éclats dans le corps. Ce sera un mort vivant à tel point que quand les boches passent pour achever les blessés, ils lui donneront des coups de pied, mais il serre les dents car il n’a pas perdu connaissance. [Le croyant mort ils ne lui donneront pas] le coup de grâce. La Croix-Rouge le ramasse vivant parmi les morts. »

La Résistance

Une note « strictement confidentielle » sur les cadres du PCF d’avril 1941, signée par André Marty précise :

« Ancien combattant des B.I. Dirigeant régional des JC. A très bien organisé la J.C. à sa démobilisation (après juin 1940), a perdu son bras droit à la guerre. »

Lors de la venue du maréchal Pétain le 5 novembre 1940 à Toulouse, il organise avec les JC, ce qui est sans doute le premier acte de Résistance de la ville :

« Avec les JC, ils ont imaginé un stratagème « sous le nom devenu célèbre de tapettes à rats » qui permettra d’inonder la voiture de Pétain et son cortège d’une volée de tracts dans la principale rue de Toulouse. »


Marcel Clouet est arrêté le 15 mai 1944. Incarcéré à la prison de Montluc à Lyon, il est fusillé le 16 juin 1944 au lieu-dit « Les Roussilles » à Saint-Didier de Formans (Ain).

Marcel Clouet est déclaré « Mort pour la France » à la Libération.

Sources

Lettres adressées par Marcel Clouet à sa famille.

Témoignage de son neveu Robert Bergeaud.

RGASPI (BDIC, Mfm 880/10, 545.6.1127).